La collection de kalmias

Qui mieux que les créateurs du jardin pour parler de la collection de Kalmia? Nous reproduisons donc ici un article paru dans la revue spécialisée « Hommes et Plantes » n°65 (printemps 2008), éditée par le CCVS , dans lequel Gisèle et Michel Madre présentent en détail cette collection.

Une belle Américaine qui déclenche les passions

Plein feu sur le kalmia

Le Jardin botanique de Gondremer abrite la Collection nationale (CCVS) de Kalmia. Elle compte cinq des sept espèces connues et une quarantaine de cultivars, principalement de Kalmia latifolia. Ces arbustes injustement méconnus se parent d’une floraisons les plus remarquables parmi toutes les espèces dites de « terre de bruyère ».

Arbuste assez méconnu en Europe, le Kalmia, qui a été nommé par Linné, porte le nom d’un de ses élèves, Pehr Kalm (1716-1779), un botaniste finlandais qui voyagea en Amérique et découvrit non seulement Kalmia latifolia, mais également Acer pensylvanicum, Viburnum lentago et Vitis bederacea.

Le genre Kalmia appartient à la famille des Ericaceae. C’est donc un cousin des bruyères et des rhododendrons. Il présente un port semblable à celui de certaines espèces de ce dernier, mais sa floraison est nettement différente.

L’aire naturelle des Kalmia s’étend sur toute l’Amérique du Nord, des confins du cercle polaire à la Floride et à Cuba, hormis les zones arides.

Un arbuste de moyenne montagne

En culture sur les autres continents, le kalmia semble plus exigeant que les rhododendrons et les azalées. Il préfère un climat semi-continental, semblable à celui du massif des Appalaches et de son pourtour, plutôt qu’un climat maritime. Le kalmia se plaît dans les zones humides d’altitude moyenne : Écosse, Ardennes, Massif vosgien, Allemagne orientale, Bohème ou même Japon septentrional et Tasmanie.

Il a besoin d’une terre acide et apprécie l’ombre, une atmosphère humide et un sol frais, voire marécageux pour certaines espèces. Le cadre du Jardin de Gondremer, situé dans un fond de vallée tourbeux, entouré de sapins, avec un sol au pH de 5,5, convient parfaitement aux kalmias.

Cinq espèces sur sept1

Sur les sept espèces de kalmia recensées2, deux ne sont pas actuellement cultivées au Jardin de Gondremer en raison de leur faible rusticité : le laurier de montagne velu (Kalmia hirsuta Walter) et la kalmie de Cuba (Kalmia ericoides Wright).

Si l’introduction de Kalmia hirsuta, originaire du sud des États-Unis (Géorgie, Floride), reste possible à Gondremer dans des zones abritées, en revanche, pour Kalmia ericoides, originaire de Cuba, l’abandon est définitif.

Les cinq espèces que nous cultivons:

  • Kalmia microphylla Heller, seule espèce du genre localisée à l’ouest des Montagnes Rocheuses. Un arbuste trapu, de 60 cm, à fleurs blanches, dont il existe des variétés naines.
  • Kalmia polifolia Wangenh est répandu à l’est du Canada, entre les Grands Lacs, la baie d’Hudson et l’Océan Atlantique. C’est un arbuste tapissant, d’environ 80 cm de haut, à la floraison rose en mai. Il existe une variété blanche.
  • Kalmia angustifolia L. Localisé au nord et à l’est des Grands Lacs, plus au sud pour la variété caroliniana. Cette plante à la floraison rouge apprécie les terrains marécageux.
  • Kalmia cuneata Michx. espèce voisine de Kalmia hirsuta, à la floraison blanche. Elle s’acclimate difficilement à Gondremer.
  • Kalmia latifolia L., l’espèce la plus connue et la plus ornementale, est appelée « laurier des montagnes ». Son habitat s’étend du Maine à l’Alabama, sous des conditions climatiques très différentes. De ce fait, les plantes du Sud ne s’acclimatent pas au Nord, ce qui lui a valu une fausse réputation de faible rusticité. C’est un grand arbuste qui peut atteindre 4 m de haut. Certains spécimens âgés, notamment en Caroline du Sud, forment de petits arbres. En juin, la floraison mélange des corolles ouvertes roses pâle, en forme de soucoupes, et des fleurs encore fermées, au revers des pétales plus foncé, constituant un décor spectaculaire.

Des cultivars très intéressants

De nombreux cultivars sont encore plus spectaculaires avec leurs pétales gravés de subtils motifs souvent géométriques. « The American Association of Botanicals Gardens and Arboreta » répertorie actuellement une cinquantaine de cultivars. D’autres sont en cours d’examen.

Quatre catégories :

  • Fleurs blanches : « Silver dollar », « Snowdrift » ou « Pristine »
  • Fleurs rose vif ou rouge (les plus nombreux): « Clementine Churchill », « Nancy », « Sarah », « Osto Red ».
  • Fleurs à dessins géométriques: « Peppermint », « Freckles », « Carrousel ».
  • Fleurs ornées (avec une tâche foncée semblant avoir été peinte au pochoir) : « Goodrich », « Heart’s Desire » ou « Kaleidoscope ».

Au jardin botanique de Gondremer, nos Kalmia sont plantés dans la partie Est du jardin, le long d’un sentier botanique consacré essentiellement aux rhododendrons et aux autres genres d’Ericacées. Toutefois, quelques cultivars de Kalmia latifolia ont été disposés dans la partie paysagère à l’Ouest, au bord de l’étang, afin de bénéficier des reflets sur l’eau de leur magnifique floraison. Un éblouissant spectacle à admirer fin juin.

Notes postérieures à l’article

1. En 2022, il ne reste plus que trois espèces au jardin sur les cinq décrites : Kalmia cuneata et Kalmia microphylla seront à réintroduire.

2. Selon les sources, le nombre d’espèces recensées varient entre sept et douze. Ainsi, le botaniste allemand Michael Hassler dénombre deux autres espèces, sur son site www.worldplants.de, en plus des sept espèces citées : Kalmia buxifolia (Bergius) Gift & Kron et Kalmia procumbens (L.) Gift, Kron & P.F.Stevens. A ces deux espèces, le site Plants of the World Online du Royal Botanic Gardens, Kew ajoute : Kalmia ferruginea Raf., Kalmia intermedia Lange et Kalmia lanceolata Raf. Ces deux sites sont des sites de références en terme de nomenclature botanique.

La taxonomie (façon de nommer les plantes) n’est pas une science exacte : par exemple, le Kalmia buxifolia est un nom synonyme de Leiophyllum buxifolium (Bergius) Elliott, qui était jusqu’à maintenant répertorié dans le genre Leiophyllum de la collection d’éricacées de tourbière de Gondremer. De même le Kalmia procumbens est un synonyme de Loiseleuria procumbens (L.), autrefois présent comme genre Loiseleuria dans la collection d’éricacées de tourbières. Les trois autres espèces, nommées par les jardins de Kew, sont contestées par d’autres sources. Il semble donc raisonnable de dire que le genre Kalmia compte neuf espèces : les sept de l’article auxquelles s’ajoutent Kalmia procumbens et Kalmia buxifolia. Quatre sont présentes au jardin botanique de Gondremer.

Quelques références sur les kalmias

L’ouvrage de référence que nous utilisons pour les kalmias est écrit par Richard Jaynes, un américain à l’origine de nombreux cultivars. Il s’intitule Kalmia : Moutain Laurel and Related Species et est publié par Timber Press (troisième édition en 1997 , non traduite à ce jour en français).

Deux sites internet sur les kalmias nous semblent aussi intéressants:

  • celui de l’European Kalmia Society, qui offre plein de ressources sur les kalmias (malheureusement, il n’est pas traduit en français, et n’est accessible qu’ en anglais ou en allemand). Lien vers le site.
  • et celui d’un créateur de cultivars, Karl-H. Hübbers, qui mérite le détour pour ce qui concerne les photos de cultivars de Kalmia latifolia. Lien vers le site.