La collection d’érables du Japon

Les érables japonais sont une des spécialités du jardin de Gondremer. Ils contribuent en grande partie à sa beauté en automne, du fait des couleurs vives de leur feuillage.

Les érables japonais font partie du genre Acer (famille des Sapindaceae depuis 2009, auparavant famille des Aceraceae).

Acer  est un mot latin signifiant perçant, vif, pénétrant, aigu, dur… On le retrouve dans le mot français acéré (un regard acéré : un regard perçant). Le nom du genre fait allusion à la dureté du bois de certains érables, utilisés autrefois pour fabriquer des lances. Une autre explication se base sur la signification « pointu », qui fait alors référence aux feuilles à lobes pointus des érables.

Quoi qu’il en soit, le nom de ce genre a été donné par un botaniste français, Joseph Pitton de Tournefort, en 1700. Linné le reprend dans sa classification Species Plantarum en 1753.

Le genre Acer est divisé en 16 sections, dont 8 sont elles-mêmes divisées en séries. Il inclut 124 espèces, selon C.J. et D.M. Van Gelderen dans leur livre « Maples for Gardens » (éd. Timber press, 1999), dont au moins 23 sont originaires du Japon et des environs.

La collection du jardin botanique de Gondremer présente une quinzaine de ces espèces, déclinées à travers 110 arbres . Certaines sont représentées sous la forme de plusieurs cultivars (variétés cultivées par l’homme). C’est le cas notamment pour les Acer palmatum et japonicum (érables japonais), dont 90 cultivars poussent au jardin.

Érables japonais ou érables du Japon ?

J.D. Vertrees, un spécialiste américain des érables du Japon, propose la distinction suivante dans un ouvrage de référence intitulé « Japanese Maples » (éd. Timber Press, 1978)  : l’appellation « érables du Japon » correspond aux espèces natives du Pays du Soleil Levant et l’appellation « érable japonais » renvoie aux espèces spécifiques d’Acer palmatum et Acer japonicum, ainsi qu’à leurs nombreux cultivars. Wikipédia, dans son article sur les érables Japonais, propose la distinction strictement inverse… Tout cela pour dire qu’actuellement, si vous demandez à un pépiniériste un érable japonais, vous vous verrez très certainement proposer un exemplaire d’Acer palmatum ou japonicum, alors que les espèces d’érables venus du Japon ne se limitent pas à ces deux-là.

La collection d’érables venus du Japon au Jardin de Gondremer

La collection de Gondremer agréée par le CCVS (Conservatoire des Collections Végétales Spécialisées) est la collection d’Acer palmatum et d’Acer japonicum (environ 90 sujets). Cependant le jardin abrite d’autres érables endémiques du Japon (une vingtaine de sujets).

Pour présenter plus en détails cette collection, nous reproduisons ici un article de 2010, paru dans le numéro 75 de la revue « Hommes & Plantes » du CCVS et rédigé par les créateurs du jardin, Gisèle et Michel Madre.

Les érables du Japon au Jardin botanique de Gondremer

Situé à Autrey dans les Vosges, dans la forêt domaniale de Rambervillers, le Jardin botanique de Gondremer regroupe environ 4000 plantes provenant de diverses régions montagneuses du monde. Les caractéristiques du climat, de l’exposition et de la nature du sol ont orienté sa spécialisation vers les plantes de la famille des Éricacées. Les collections de rhododendrons botaniques, kalmias, éricacées de tourbières (Agarista, Bryanthus, Gaylussacia, Phyllodoce, etc.) mais aussi d’érables du Japon, sont, en raison de leur intérêt et de leur rareté, reconnus comme collections nationales par le CCVS.

La collection d’érables comporte actuellement 180 taxons, parmi lesquels on recense 150 érables originaires du Japon dont 135 cultivars d’Acer palmatum, A. shirasawanum et A. japonicum, sans compter les nombreux semis naturels de ces dernières années [ces chiffres ont malheureusement été revus à la baisse après un recensement en 2020]. Certains, prometteurs, sont en cours d’observations. Nous avons aussi d’autres collections remarquables : conifères, chênes, magnolias, prunus, hémérocalles, hostas, nymphéas, etc.

Quelques coups de cœur

Parmi les espèces les plus intéressantes d’érables natifs du Japon, citons :

Acer pycnanthum K. Koch., ce petit arbre qui atteint 15 m, prospère dans les lieux humides de l’Île de Honshu. Ressemblant à Acer rubrum L., l’érable rouge d’Amérique du Nord, il est peu fréquent dans les jardins et devient rare dans la nature [il a été répertorié comme vulnérable en 2019 dans la liste rouge des espèces menacés par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature]. L’exemplaire de Gondremer s’est bien adapté, atteignant 12 m en 30 ans.

Acer maximowiczianum Miq. (anciennement Acer nikoense Maxim.), l’érable de Nikko, est un petit arbre de 15 m que l’on trouve de plus en plus rarement au Japon et en Chine. Il se pare de magnifiques couleurs automnales.

Acer micranthum Sieb.& Zucc., forme un grand arbuste dont les feuilles, rouges ou jaunes en automne, présentent cinq lobes profonds. Il doit son nom d’espèce à ses très petites fleurs verdâtres.

Acer rufinerve Sieb. & Zucc., est un arbrisseau aux branches très ramifiées et à l’écorce striée de blanc (en « peau de serpent »). Il peut dépasser 10m.

Acer mono Maxim., anciennement appelé A. pictum Thunb., forme un arbre de 15 m de haut, dont l’habitat, septentrional, va de l’île d’Hokkaido à la Sibérie orientale et à la Mongolie.

Acer japonicum Thunb., mesure de 10 à 12 m. Il est présent dans les îles d’Honshu et d’Hokkaido. Grandes feuilles.

Acer palmatum Thunb., le plus répandu dans les jardins, avec plus de mille cultivars recensés au Japon.

Nous pouvons ajouter à cette liste : Acer buergerianum Miq., A. crataegifolium Sieb. & Zucc., A. miyabei Maxim., A. shirasawanum Koidz. et A. truncatum Bunge.

Des feuilles aux formes variées

Au Jardin botanique de Gondremer, les érables sont tous représentés par l’espèce type ou par de nombreux cultivars. Certains deviennent des arbres, prodiguant une ombre bénéfique aux rhododendrons avec lesquels ils sont associés avec bonheur. D’autres, à notre avis les plus remarquables, forment des petits arbustes poussant lentement, presque des bonsaïs naturels. Ils peuvent prendre un aspect érigé, arrondi ou étalé, avec des rameaux dressés ou retombants, mais leur feuillage, dont la coloration évolue au fil des saisons, est de loin leur plus bel atout.

La forme classique de la feuille d’érable, palmatilobée à 5 ou 7 lobes, subit chez certains cultivars des mutations.

Elle est profondément lobée chez Acer palmatum ‘Murogawa’, minuscule chez ‘Kotomaru’, très découpée chez les cultivars du groupe ‘Dissectum’ ou linéaire chez ‘Linearilobum’ (ou ‘Shime-no-uchi’).

Les champions de ces deux dernières catégories sont ‘Red Filigree Lace’ aux feuilles pourpres les plus finement découpées et ‘Koto-no-ito’ dont les lobes sont si étroit qu’ils ressemblent quasiment à des fils.

Combinaisons de couleurs

Hormis quelques variétés à feuillage doré ou panaché, les couleurs estivales normales sont le vert ou le pourpre, ce qui permet de beaux contrastes. Au printemps et à l’automne, les érables du Japon nous gratifient d’un spectacle sublime, combinant toutes les gammes de vert, jaune, bronze, orange, écarlate, cramoisi.

  • Acer palmatum pour le printemps :

– ‘Beni-maiko’, rouge corail.

– ‘Deshôĵô’, rouge vif fin avril, virant en mai-juin bronze, en passant par toutes les nuances d’orange et de jaune.

– ‘Karasugawa’, les jeunes feuilles rouge foncé s’épanouissent en un patchwork de vert, ivoire et rose saumoné.

– ‘Katsura’, c’est notre coup de cœur, le plus précoce, avec un jeune feuillage jaune vif marginé de rouge. Début avril, il illumine, à lui seul, toute une partie du jardin.

  • Érables du Japon pour l’automne :

Acer palmatum ‘Shishigashira’

– Acer palmatum dissectum ‘Orangeola’

– Acer japonicum ‘Vitifolium’

– Acer micranthum

– Acer maximowiczianum

Cette apothéose automnale est assurée si l’on respecte les exigences de ces joyaux du jardin : culture en terre acide, arrosage régulier des jeunes plants. Il faut aussi éviter un ensoleillement directe ou trop intense, qui provoque, chez certains cultivars, un flétrissement des feuilles.

Acer palmatum et cultivars

La principale pépinière européenne spécialisée dans les érables japonais est Plantentuin Esveld à Boskoop, Pays-Bas. Gérée par la famille van Gelderen, cette entreprise détient la collection d’érables néerlandaise. Elle présente dans un Aceretum plus de 600 espèces et variétés d’érables asiatiques, dont environ 400 cultivars d’Acer palmatum. C’est de cette pépinière que proviennent la quasi-totalité des érables cultivés au Jardin botanique de Gondremer.

Dans leur ouvrage « Maples for Gardens », C.J. et D.M. van Gelderen distinguent sept groupes de cultivars d’Acer palmatum, avec pour chacun trois sous-groupes en fonction de la couleur du feuillage (vert, pourpre, panaché).

  • Le groupe 1 (Palmatum) réunit de grands arbustes ou des petits arbres érigés, à petites feuilles présentant de 5 à 7 lobes, tels ‘Beni-maiko’, ‘Beni-tsukasa’, ‘Okushimo’ ou ‘Oridono-nishiki’ 
  • Le groupe 2 (Amoenum) concerne les arbustes moins ramifiés et à feuilles plus grandes, ayant de 7 à 9 lobes comme ‘Elegans’, ‘Hogyoku’, ‘Matsuyoi’ ou ‘Osakasuki’ par exemple.
  • Le groupe 3 (Matsumurae) comporte des arbustes à port étalé, aux grandes feuilles profondément lobées : ‘Beni-kagami’, ‘Kurabu-yama’, ‘Omuryama’, ‘Ôshu-shidare’, ‘Sazanami’.
Acer palmatum ‘Beni-kagami’
  • Le groupe 4 (Dissectum) comprend des arbustes globuleux, souvent plus larges que hauts et au feuillage découpé : ‘Garnet’, ‘Inaba-shidare’, ‘Seki-mori’.
Feuillage découpé d’un érable du groupe Dissectum
  • Le groupe 5 (Linearilobum) regroupe des arbustes érigés ou de croissance lente, avec des feuilles à cinq lobes filiformes : ‘Red pygmy’, ‘Shino-buga-oka’.
  • Le groupe 6 concerne des formes très naines : ‘Aoba-jo’, ‘Kashima’, ‘Ryuzu’.
  • Le groupe 7 accueille les plantes au port ou au feuillage particulier, n’entrant pas dans les catégories précédentes : ‘Hagoromo’, ‘Koshi-mino’ (Sessifolium).

La plupart des cultivars d’Acer palmatum portent évidemment des noms japonais. Ils correspondent à des noms géographiques comme ‘Omurayama’ qui fait référence à une montagne ou bien à des caractéristiques de la plante. On retrouve souvent les termes « shidare » qui signifie : au port pleureur ou retombant, « nishiki » qui désigne un feuillage panaché ou « beni », la couleur rouge.